Exposition

Tribal, 2016

Ronds rouges et traits noirs

Artistes : Maria Kabbaj

Lieu : ThinkArt I Hors les murs

Date : 26.05 I 25.06 I 2016

Commissariat : Salma Lahlou

Production : ThinkArt

Description

Thinkart présente Ronds rouges et traits noirs, la deuxième exposition personnelle de l’artiste maroco-libanaise Maria Kabbaj, à Casablanca. Pour cette collaboration, Thinkart présente une exposition à l’esthétique très personnelle.

Catherine Millet dans sa cartographie de l’art contemporain dit de De Kooning que personne d’autre que lui ne « pouvait peindre une femme comme il la peignait, parce que cette femme, en vérité, ne représentait pas tant une femme qu’elle n’exprimait la personnalité profonde du peintre. » [1] Nous pourrions reprendre cette formule à l’identique pour qualifier l’œuvre de Maria Kabbaj. L’artiste bâtit son œuvre comme un monde en soi, un « autoportrait détourné », ou comme dirait Harald Szeeman une « mythologie individuelle. » [2]

En effet, à l’heure où prime une esthétique impersonnelle et collective, reliée aux processus sociaux qui caractérisent notre moment historique, Maria Kabbaj s’attache au contraire à extérioriser un état d’âme, un sentiment, une intimité, qui sont autant d’empreintes psychologiques et émotionnelles de son vécu. « Je ne critique pas, je ne dénonce pas et je ne représente pas. J'exprime », écrit l’artiste.

Cette dimension expressive est présente dans l’ensemble de son travail mais traduite différemment selon le medium : la ligne serpentine des sérigraphies ; le trait sec et brisé des linogravures ; la couleur-matière des peintures ; la construction compacte des sculptures ; et enfin le clair-obscur des photographies. Quelle que ce soit la technique utilisée, la construction plastique du volume semble porter la marque du procédé de la gravure. Cette marque est présente dans le rendu stylistique caractérisé par l’économie de moyens dans l’illusion du modelé et le contraste entre les zones de réserve et de dessin. Les sérigraphies sont réalisées à la manière d’une planche de gravure ; la surface reçoit quelques traits pour figurer les volumes. Dans la peinture, la volumétrie est rendue par un cerne noir qui enclot les formes. Tandis que dans la sculpture s’inscrivent en creux des incisions pour figurer le mouvement des corps.

Maria Kabbaj s’approprie le legs des grands maitres. Picasso d’abord, avec les déformations expressives et les références primitivistes desDemoiselles d’Avignon(1906-1907). Comment ne pas voir dansLes Bains maures(2016), une réminiscence des Demoiselles ? La composition du Nu bleu, Souvenir de Biskra(1907) de Matisse est également présente dans l’odalisque à l’anatomie volontairement déformée peinte par Maria Kabbaj,Fatima(2015). La couleur libérée, comme chez Matisse toujours, de la soumission aux contrastes de ton et appliquée pour ses qualités expressives dansL’Absence(2007), laisse place à des compositions aux grands aplats qui mettent au premier plan des figures monumentalisées (Sous la lune(2016)); des figures à la volumétrie imposante et aux formes simplifiées.

Ses bronzes, plus miniaturisés, reprennent le même langage formel : des figures esquissées à grand trait et des corps pétris de plus en plus anti-naturalistes.

Parallèlement à cette constance stylistique, nous retrouvons au niveau du sujet des éléments communs: des corps nus, pour la plupart féminins, dédoublés ou imbriqués dans un jeu de miroir qui pose la question de l’altérité et de l’hybridation des formes ; des archétypes animaliers, oiseaux fétiches et autres projections mentales.

Dans la transposition d’un médium à l’autre, Maria Kabbaj reconfigure à souhait les éléments de son langage et de son univers sémantique, produisant ainsi une circularité entre les différentes oeuvres. Comme si le tout formait un ensemble morcelé, irréductible à l’interprétation unique.

Sa série de photographies intituléeLe deuil du poisson (2016) fait écho au dessin duPoisson à la femme (2016)ou encore au tableau deLa malgache(2016). Symbole du changement, de la régénération et de la perpétuation des cycles, le motif du poisson constitue une métaphore du processus créateur de l’artiste. Convoqué comme élément ornemental dans le dessin et la peinture, il revêt une signification hautement symbolique dans ses photographies : clé de lecture d’un processus de transmutation donnant à voir le passage du corps peint au corps incarné.

A travers ces manipulations techniques, se retrouve d’une part, l’affirmation de la dimension conceptuelle de son œuvre, qui renforce l’enjeu plastique ; et d’autre part, l’énonciation d’un commentaire sur sa pratique : peut-être l’aveu de la primauté de la vie sur l’art par la mise à mort de la représentation au profit de la présentation, de la présence même du corps.

[1] Catherine Millet, L’art contemporain, histoire et géographie, éd. Flammarion, 2006, p 41

[2] Harald Szeemann consacra une section entière de la Documenta 5 de 1972 aux « mythologies individuelles » pour distinguer les croyances de la communauté et les obsessions des individus

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